Pour nous permettre de construire une vision cohérente du monde, notre cerveau réduit la complexité du réel en nous jouant des tours au quotidien. Grâce à ce mécanisme cérébral, nous éprouvons un pseudo-équilibre mais nous nous enfermons aussi dans nos a priori et nos illusions. Comment retrouver notre lucidité et faire de notre cerveau notre meilleur allié ?
Cet article a été publié par le magazine chrétien Aleteia le 31 mai dernier ICI. Vous pouvez continuer votre lecture sur le blog et apporter vos commentaires ou témoignages en fin d'article.
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Quelques pistes pour apprivoiser nos biais cognitifs
On connaît la « plainte » célèbre de Saint Paul : « Je ne fais pas le bien que je veux mais je fais au contraire le mal que je ne veux pas. » (Rm 7, 19) Il en déduit qu’il est tout à la fois « esclave de la loi de Dieu » et « esclave de la loi du péché » (Rm 7, 25). L’apôtre était peut-être aussi sujet aux biais cognitifs !
Si nous ne pouvons pas éradiquer les biais cognitifs, nous pouvons néanmoins contrer leurs effets négatifs en prenant peu à peu de nouvelles habitudes. Voici quelques pistes pour apprivoiser nos biais cognitifs.
1. Rechercher la contradiction
En mettant à distance nos convictions, le temps de considérer des thèses qui les nuancent ou s’y opposent, nous nous ouvrons à d’autres points de vue qui peuvent élargir notre connaissance, nous faire changer d’opinion ou nous conforter dans nos convictions…en sachant dès lors pourquoi nous préférons notre opinion à d’autres que nous avons pris le temps d’explorer et d’analyser. Nous allons « aux périphéries » de notre pensée, comme le demande le Saint Père, et au final nous y gagnons en ouverture et en profondeur de réflexion.
2. Pratiquer un monologue intérieur constructif
Nos pensées et émotions premières peuvent être catégoriques et très pessimistes. Ainsi, lorsque nous sommes sujets au biais négatif d’interprétation, pouvons-nous nous exclamer : « Ma journée a été catastrophique ! ».
Un monologue intérieur constructif et maïeutique peut nous amener à voir les choses autrement et à nuancer notre propos initial. « Les 24h de la journée ? Que veux-tu dire par « catastrophique » ? ».
3. Développer une pensée collective
Une manière de réduire notre rigidité mentale peut aussi consister à développer un « système de décision », notamment dans le monde de l’entreprise. C’est ce que propose Olivier Sibony, consultant et auteur de Vous allez commettre une terrible erreur (2019).
Il s’agit de fixer à l’avance les critères à remplir pour que telle décision puisse être retenue, de discuter explicitement des incertitudes au lieu de les mettre sous le tapis, enfin de ne pas faire confiance à sa propre opinion mais de l’exposer à une équipe, voire à deux équipes, à qui on demandera de trouver des arguments pour la défendre ou la disqualifier.
De cette pensée collective réfléchie et méthodique peut émerger une nouvelle pensée plus riche et moins rigide.
4. Donner une place au doute dans notre cheminement spirituel
Dans la conscience de beaucoup de chrétiens, le doute est souvent perçu négativement. Pourtant, si on analyse le célèbre « doute » de Saint Thomas à propos de la résurrection du Christ, on peut observer qu’il a conduit Thomas à discerner ce que les autres apôtres n’avaient pas encore réalisé ni exprimé : « Mon Seigneur et mon Dieu ! » (Jn 20,28).
Thomas, en activant son système de pensée « lent » pour reprendre le vocabulaire des neurosciences, autrement dit grâce au doute et au questionnement, a été le premier apôtre à reconnaître la divinité du Seigneur ressuscité. Il peut donc être bon de ralentir le rythme de nos pensées par un peu de doute… pour au final accéder à un meilleur discernement spirituel.
La parole est à vous
- Et vous, quelle piste vous parle le plus pour contrer l'effet négatif des biais cognitifs ?
Comment développer un dialogue intérieur constructif ?
Dans la durée ?
Persévérer ?
Maintenir, poursuivre un objectif à moyen et long terme m’est très difficile.
La motivation au départ est très forte puis je me décourage rapidement.
Bonjour Elisabeth, en effet, il n’est pas facile de développer un dialogue intérieur constructif lorsque les pensées négatives nous assaillent. Nous pouvons dans un premier temps les « laisser passer », écouter ce qu’elles ont à « nous dire » sur ce que nous pensons de nous-mêmes, de notre vie, du prochain ; mais ne pas nous assimiler à elles. Le dialogue intérieur peut s’effectuer plus tard, pourquoi pas le soir si vous prenez un moment dans le silence avec le Seigneur. Après vous être mise dans sa présence, vous pouvez lui offrir votre journée écoulée, y compris ces pensées négatives qui vous ont traversée, puis finir par un abandon confiant entre les bras du Père. Thérèse de Lisieux avait écrit ceci à propos de ses « examens de conscience », notamment dit-elle après avoir dit ou fait selon ses termes une « sottise » : « Je rentre en moi-même et je me dis : ‘Hélas ! j’en suis donc au même point comme autrefois ! Mais je me dis cela avec une grande douceur et sans tristesse. C’est si doux de se sentir faible et petit !' ». Voilà son petit secret : user de beaucoup de douceur envers soi-même, sans s’accabler. En ce qui concerne les objectifs et le fait de s’y tenir, connaissez-vous le « bullet journal » ? Je vais m’y mettre prochainement pour ma part. C’est un moyen créatif de s’organiser sur la durée (à l’échelle d’un trimestre, d’un mois, d’une semaine). Par ailleurs, dans l’apprentissage des langues vivantes par exemple, je vois en ce moment émerger ou se développer l’idée d’avoir un « buddy », c’est-à-dire une personne qui a un objectif similaire au vôtre et avec laquelle vous pouvez échanger pour vous motiver toutes les deux dans l’atteinte de cet objectif, dans un bon esprit fraternel. J’espère que ces quelques points pourront vous aider. N’hésitez pas non plus à m’écrire en privé.