Comment devenir mature spirituellement

Chaque chrétien est appelé à croître dans la grâce de son baptême, afin de porter du fruit et de témoigner de sa vie nouvelle avec le Christ. Comme un enfant qui grandit, il passe par différentes étapes pour parvenir à la maturité spirituelle. Le Père Louis Pelletier nous éclaire sur ce processus dans son ouvrage posthume « Grandir avec le Christ : la maturité spirituelle ».

Qu'est-ce que la maturité spirituelle?

En quelques mots, le Père Louis Pelletier, auteur de l’ouvrage « Grandir avec le Christ : la maturité spirituelle » (Editions Artège, 2017), nous définit la maturité spirituelle : elle est « un état d’unité et de liberté intérieure qui permet à l’homme de porter du fruit ».

Tous les saints sont parvenus à cet état, jusqu’à vivre entièrement sous la mouvance de l’Esprit Saint, et à pouvoir dire comme l’apôtre Paul : « ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi » (Galates 2 : 20).

La bonne nouvelle, nous explique le Père Pelletier, c’est qu’il existe un chemin menant à la maturité, indiqué par les Saintes Ecritures, les trésors de la Tradition et du Magistère de l’Eglise. C’est pourquoi le baptisé ne peut faire l’économie de ces trois piliers de la foi catholique, grâce auxquels il fait fructifier en lui la grâce sanctifiante qu’il a reçue.

Certes, il existe plusieurs façons d’emprunter ce chemin vers la maturité, en tenant compte des diverses sensibilités spirituelles : par exemple, Sainte Thérèse d’Avila a donné l’image des sept demeures représentant le cheminement de l’âme vers Dieu ; Sainte Thérèse de Lisieux a synthétisé ce chemin en une « petite voie d’enfance spirituelle », etc.

Le Père Pelletier (1960-2015), en s’appuyant sur son expérience de prêtre et ses fines connaissances théologiques, nous donne des clés pour comprendre comment atteindre la maturité spirituelle dans notre monde moderne. Ses différents ministères (confesseur à la Basilique de Montmartre, aumônier à l’Hôtel Dieu, prêtre auprès des malades atteints du SIDA) ont développé en lui cette maturité spirituelle vers laquelle il nous entraîne.

Trois clés de compréhension

Pour devenir mature spirituellement, il nous faut premièrement, selon le Père Pelletier, nous libérer des critères de réussite sociale, et renouveler notre façon de penser notre valeur et notre fécondité.

Notre fécondité ne dépend pas du nombre d’actes glorieux et de succès que nous totalisons. Nous devons sortir du piège de l’activisme et de l’idolâtrie ambiante de la carrière professionnelle. Dans l’Evangile de Marc (8 : 36), Jésus interpelle la foule : « Et que servira-t-il à un homme de gagner le monde entier, s’il perd son âme ? ».

En réalité, la valeur de notre vie et de notre personne est invisible, ou selon la formule poétique du Père Pelletier, « la vie d’un homme vaut essentiellement ce que vaut son cœur ».

Avec cette première clé de compréhension, nous sommes encouragés à changer notre regard (parfois si dur) sur nous-même et sur les autres, et à recentrer notre vie tout entière sur l’essentiel.

Pour grandir spirituellement, il nous faut deuxièmement, selon le Père Pelletier, reconnaître notre petitesse, notre pauvreté.

Sainte Thérèse de Lisieux se réjouissait de toutes les grâces qu’elle avait reçues de Dieu, dont la plus grande, disait-elle, était de lui ‘avoir montré sa petitesse, son impuissance’. (Manuscrit C, 4)

Là encore, nous sommes amenés à penser à contre-courant des rêves humains de toute puissance. Nous avons besoin, pour grandir, de laisser le Christ nous rejoindre dans nos zones d’ombre, dans tout ce qui reste bloqué en nous. Nous avons à lui remettre tous les nœuds de notre âme, et qui, nous le savons, nous freinent dans notre croissance spirituelle.

Le chemin vers la maturité passe par cette mise à jour de ce que nous nous évertuons à enfouir, consciemment ou non. Comme l’écrit le Père Pelletier, « la maturité vient au fur et à mesure que la lumière se fait dans notre cœur, et que celui-ci se purifie et s’unifie dans la recherche du seul vrai but de notre vie qu’est le Royaume. »

Enfin, pour parvenir à la maturité spirituelle, il nous faut, troisièmement, sortir d’une image faussée de Dieu et de l’Eglise, comme restreignant notre liberté. Notre vraie liberté n’est pas celle dépeinte par le monde, associée à l’individualisme et aux excès en tout genre. Elle est une « liberté filiale », selon l’expression du Père Pelletier, c’est-à-dire une liberté d’enfant de Dieu destiné à coopérer à l’action divine. C’est seulement par l’exercice de cette liberté que nous atteindrons l’accomplissement et le bonheur.

En d’autres termes, nous avons besoin, sur notre chemin de maturité, de sortir de « l’amour de soi jusqu’au mépris de Dieu » selon l’expression de Saint Augustin (La Cité de Dieu, livre XIV, chap.28). L'amour de soi n'est certes pas intrinsèquement mauvais, mais il doit être subordonné à l'amour de Dieu pour atteindre sa plénitude.

De même, nous ne pouvons croître spirituellement sans accepter de dépendre de l’Eglise, que le Père Pelletier nous invite à considérer comme « un lieu de croissance et de guérison » au travers des sacrements et de la vie fraternelle.

Le piège principal

Notre chemin de croissance spirituelle est jalonné d’obstacles et de défis. Nous avons aussi à éviter des pièges, dont le principal est celui du perfectionnisme, que le Père Pelletier décrit comme une « secrète recherche de soi-même ». C’est le piège dans lequel tombe le jeune homme riche qui observe scrupuleusement les commandements, mais sans vouloir se délester de ses biens pour suivre le Christ. (Evangile de Matthieu 19, 16-30)

Au contraire, la maturité spirituelle présuppose de comprendre que la vie éternelle n’est pas un bien que l’on possède ou auquel on a droit par l’observation des Dix Commandements. Définie par le Père Pelletier, « elle consiste à exercer d’abord la foi, l’espérance et la charité dans l’abandon au Père dans toutes les circonstances de la vie ». Alors seulement nous connaîtrons la joie de l’obéissance filiale, celle même du Christ dont les dernières paroles ont été : « Père, entre tes mains, je remets mon esprit » (Luc 23 : 46).