Le sens profond de l’aumône selon le Curé d’Ars

Les quatre tomes des sermons du Saint Curé d’Ars, publiés en 2010 aux Editions Saint-Rémi, sont un joyau de la littérature chrétienne. Parmi ces sermons, l’un d’entre eux, prononcé par le Curé d’Ars un dimanche de Carême, porte sur les bienfaits de l’aumône.

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Cet article a été publié par le journal catholique en ligne Aleteia le 25 mars 2022, ici. Vous pouvez continuer votre lecture sur le blog.

De nos jours, les chrétiens font volontiers des dons à des associations caritatives, mais peu d’entre eux pratiquent l’aumône, ce don de main en main que l’on fait à une personne dans la misère pour l’assister (selon la définition donnée par le dictionnaire Larousse). Les raisons en sont diverses : la peur d’affronter le regard d’un être humain rempli de détresse, et de lui accorder écoute et attention ; ou encore l’ignorance du sens biblique de l’aumône.


L'aumône dans la Bible

L’aumône a en effet une grande place dans la tradition biblique. Dans l’Ancien Testament, comme le rappelle Victor Brunier dans la revue En Dialogue, « l’aumône est perçue comme un commandement, une manière de faire pénitence, de se rapprocher de Dieu, ne serait-ce qu’en partageant ce que Dieu nous a donné, Lui qui est à la source de toute vie et de toute chose. »


Elle est aussi assortie de promesses, comme nous le révèle le Livre de Tobie (Tb 4, 7-10) : « Ne détourne ton visage d’aucun pauvre, et le visage de Dieu ne se détournera pas de toi. (…) Quand tu fais l’aumône, mon fils, n’aie aucun doute : tu te constitues un beau trésor pour les jours de détresse, car l’aumône délivre de la mort et empêche d’aller dans les ténèbres ».


Les conseils de Tobith à son fils Tobie

" Ne détourne ton visage d'aucun pauvre, et le visage de Dieu ne se détournera pas de toi."


La vision du Curé d'Ars

Dans son sermon sur l’aumône un deuxième dimanche de Carême, le Saint Curé d’Ars fait l’éloge de l’aumône et la présente à ses paroissiens comme "un moyen facile de « racheter nos péchés, et d’attirer sur nous les bénédictions du Ciel les plus abondantes". Bien sûr, le saint prêtre recommande aussi dans d’autres sermons la confession, en précisant qu’elle doit se faire après avoir demandé à Dieu la grâce de la contrition (Sermon sur la contrition).

Le Saint Curé d'Ars. Photo libre de droits @gettyimages.

On peut être étonné de l’importance que le Curé d’Ars donne à l’aumône pour recevoir la miséricorde de Dieu. En réalité, il s’inscrit là dans la tradition biblique. De nombreux personnages dans la Bible, croyants ou même païens, ont attiré la miséricorde de Dieu, grâce aux aumônes qu’ils pratiquaient abondamment : la veuve de Sarepta (1R 17) ou encore le centenier Corneille (Ac 10) en sont deux exemples parmi d’autres.


Tout en s’inscrivant dans cette tradition biblique, le Curé d’Ars développe une théologie originale de l’aumône. Selon lui, l’aumône permet aux riches et aux pauvres de s’aider mutuellement d’un point de vue salvifique (qui a trait au salut des âmes). Ainsi, en recevant l’aumône, les pauvres vivent les vertus d’humilité et de douceur ; quant aux personnes plus aisées qui font l’aumône, elles pratiquent la compassion en apportant un soulagement matériel.

@Shutterstock

Au fond, nous dit le Curé d’Ars, en faisant ou en recevant l’aumône, nous pratiquons dès ici-bas la « communion des saints ». Cette façon concrète de vivre l’unité mystique de l’Eglise (en laquelle nous affirmons notre foi lors de chaque Credo) est peu connue et pourtant à la portée de tous. Il suffit, selon le Curé d’Ars, d’accompagner la pratique de l’aumône d’une certaine disposition de cœur, qui lui en donne toute sa valeur : désirer plaire à Dieu et désirer contribuer au salut des âmes (de la sienne, celle d’autrui, ou encore désirer hâter l’entrée au Ciel des âmes du Purgatoire).

Photo libre de droits @Gettyimages.

Le sens profond de l'aumône

Le Curé d’Ars nous rappelle que l’aumône faite avec le cœur a une double valeur : une valeur matérielle et fraternelle envers le pauvre, notre frère, et une valeur hautement théologique. Le Christ s’étant identifié aux pauvres, lorsque nous soulageons un pauvre, c’est ainsi le Christ Lui-même que nous soulageons. (Mt, 25, 31-40)


Le Curé d’Ars rapporte dans son sermon de nombreux exemples de saints ayant reçu d’abondantes bénédictions après avoir pratiqué l’aumône. Ainsi, saint Martin, dont la vie nous est parvenue grâce à Sulpice-Sévère, n’était encore qu’un catéchumène lorsqu’il rencontra un pauvre misérable sur son chemin, un soir de l’hiver 334, à Amiens. Pris de pitié, il trancha son manteau ou tout du moins la doublure de sa pelisse (le manteau du légionnaire appartenait à l’armée, mais chaque soldat pouvait le doubler à ses frais, à l’intérieur par un tissu ou une fourrure). La nuit suivante, Jésus-Christ lui apparut avec la moitié de son habit, environné d’une troupe d’anges à qui il dit : « Martin, qui n’est encore que catéchumène, m’a donné la moitié de son manteau ».

Saint Martin de Tours partageant son manteau. Van Dyck, 1618. Domaine public.

Pour toutes ces raisons, on comprend pourquoi le Curé d’Ars cite en exemple le saint homme Tobie, qui sur le point de mourir, mande son fils pour lui prodiguer ses derniers conseils : faire l’aumône tous les jours de sa vie, ne jamais détourner son regard d’un pauvre, donner de bon cœur et avec joie, et remercier Dieu de faire si grand cas de si petits dons (Tb, 4).

  • Référence bibliographie principale : Sermons du Saint Serviteur de Dieu, Jean-Baptiste-Marie-Vianney Curé d'Ars. Tome premier du 1er Dimanche de l'Avent au Vendredi Saint. Editions Saint-Rémi, 2010. "Deuxième dimanche de Carême sur l'aumône", pp. 299-318.
  • Article "Le sens et la pratique de l'aumône en christianisme" de Victor Brunier. Revue "En dialogue" n°6, SNRM (Service national pour les relations avec les musulmans). 

La parole est à vous

  • Pratiquez-vous régulièrement l'aumône ?
  • Est-ce que la vision du Curé d'Ars vous a convaincu de l'importance de cette pratique pour un chrétien ?

Aliénor Strentz


Fondatrice du blog "Chrétiens heureux".

Aliénor Strentz

  • Merci pour cette très belle mise en perspective de l’aumône. C’est plus qu’un geste du quotidien et si chacun le pratiquait son effet sur le monde serait incroyable. Cette générosité peut se faire de manière pécuniaire pais aussi en temps ou en repas. Ainsi il m’est arrivé de proposer d’acheter sandwiches et boisson au lieu de donner de l’argent. Les personnes de la rue apprécient aussi les petites conserves pour faire un ou deux repas et c’est moins encombrant. J’avoue que prendre du temps pour discuter avec le sans domicile n’est pas encore dans mes habitudes. Ce qui m’a frappé c’est quand vous voyez une personne qui mendie dans la rue et quelque temps après vous la voyez à l’église pour acheter un cierge sur sa maigre recette. Que la sainte Vierge veille maternellement sur toutes ces hommes et femmes démunies.

    • Amen, oui, que la Sainte Vierge veille sur eux ! Merci pour votre partage : j’ai aussi constaté que le don de nourriture est apprécié, surtout à l’heure du déjeuner quand des personnes de la rue se trouvent à côté d’une boulangerie par exemple. A voir en fonction de chaque situation.

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